Une interview avec Anke Vandenbussche
Business Development Manager E-commerce CCV Belgique
Le mois dernier, dans un article de blog, nous vous avions donné quelques astuces pour vos activités transfrontalières et sur les facilités de paiement à l’étranger. Mais quelles sont les différences entre les Pays-Bas et la Belgique en matière d’e-commerce ? Anke Vandenbussche travaille comme Business Development Manager E-commerce chez CCV Belgique. Responsable d’une multitude d’activités et de développements relatifs à l’e-commerce, Anke est extrêmement bien placée pour nous en apprendre davantage sur le marché belge de la vente en ligne. Quels sont les points communs et les différences entre la Belgique et les Pays-Bas ? Quelles sont les habitudes des consommateurs belges en matière d’achat en ligne ? Et comment s’annonce l’avenir de l’e-commerce en Belgique ?
Que constatez-vous lorsque vous comparez les habitudes des Néerlandais dans leurs achats en ligne à celles des consommateurs belges ?
Anke : « Il n’y a pas de différence fondamentale entre la Belgique et les Pays-Bas en matière d’achat en ligne. Ces pays sont voisins, avec une langue commune et des mentalités sensiblement comparables. J’ai toutefois observé un certain fossé entre les Pays-Bas et la Belgique en termes de développement du marché intérieur de l’e-commerce. Le marché néerlandais est très mûr, ce qui n’est pas du tout le cas du marché belge. Il existe également une différence de taille en termes de pénétration d’Internet. Du côté néerlandais, pas moins de 98 % de la population est active en ligne, dont 93 % fait des achats sur Internet. En Belgique, ce pourcentage est bien plus bas : environ 75 %. On peut donc dire que le shopping en ligne n’est pas aussi populaire en Belgique qu’aux Pays-Bas. Bien entendu, il existe encore d’autres différences entre ces deux pays, comme les méthodes de paiement employées par les consommateurs pour régler leurs achats, mais sur ce point, ils disposent généralement d’un choix suffisamment varié aussi bien aux Pays-Bas qu’ici. Ce sont les préférences qui font la différence à ce niveau-là. »
Pourriez-vous encore pointer quelques divergences flagrantes, notamment en matière de comparaison des produits et de canaux de shopping ?
« Les acheteurs en ligne belges ont moins recours à des sites de comparaison que les Néerlandais », explique Anke. « Je pense que cela s’explique par le fait que les Néerlandais sont généralement plus soucieux du prix que les Belges. Les Belges accordent plus leur confiance à une marque et à un produit d’une certaine marque. Les Néerlandais ressentent moins ce sentiment de fidélité. Ils préfèrent opter pour un article au prix le moins cher possible, d’où l’intérêt pour eux des comparateurs en ligne. Mais cela ne veut pas pour autant dire que l’achat en ligne doit être plus avantageux financièrement. Il s’agit simplement d’un canal autre qu’un magasin physique, même si les Néerlandais espèrent bien souvent trouver un article moins cher sur la boutique en ligne qu’en magasin. Les consommateurs belges suivent davantage une stratégie omnicanal. Une étude montre que de nombreux Belges cherchent en ligne pour ensuite acheter en magasin : pas moins de 51 % des acheteurs belges procèdent de cette façon, ce qui représente un pourcentage non négligeable. 32 % cherchent les produits en ligne, puis vont l’examiner en magasin avant de les acheter tout de même en ligne. Je tombe souvent sur des boutiques en ligne belges qui présentent des photos de mauvaise qualité, manquent de vidéos et ne permettent pas de zoomer sur les illustrations de produits. Je comprends donc que de nombreux Belges n’achètent pas directement en ligne et préfèrent d’abord avoir un aperçu du produit en magasin, pour voir à quoi il ressemble en réalité. Le marché en ligne est simplement un peu moins développé en Belgique que chez nos voisins néerlandais. Difficile aussi de prévoir à quelle vitesse cela évoluera. Cependant, il est clair que l’idéal aux yeux du consommateur belge consiste en une interaction entre boutique en ligne et magasin hors ligne, ce qui vous correspondrait parfaitement à une approche omnicanal. »
« Il me paraît également intéressant de souligner qu’un autre aspect frappant chez les acheteurs belges est leur sensibilité aux produits qu’ils suivent sur les médias sociaux, puisque 35 % d’entre eux achètent des produits qu’ils suivent sur Instagram ou Facebook. Un pourcentage étonnamment élevé. En tant que boutique en ligne active en Belgique, vous avez donc fortement intérêt à exploiter le canal de réseaux sociaux. »
Existe-t-il une grosse différence entre la Belgique et les Pays-Bas en ce qui concerne les groupes de produits achetés en ligne ?
Anke : « Sur le plan des groupes de produits le plus souvent achetés en ligne, les deux pays enregistrent sensiblement les mêmes tendances. Les produits de télécommunication et les vêtements sont souvent achetés en ligne là-bas comme chez nous. En revanche, les Belges ont davantage tendance à opter pour des produits liés aux médias et appartenant aux domaines du divertissement, de la maison et du jardin. La nourriture ne figure pas dans leur top 10, mais elle enregistre la plus forte augmentation des groupes de produits achetés en ligne. Cela fait un bon moment que les Néerlandais achètent une grande quantité de leur nourriture en ligne. Sur ce plan, la Belgique est légèrement à la traîne, car peu de solutions appropriées sont proposées au marchand désireux de vendre leur nourriture. Il s’agit donc d’un marché intéressant à exploiter pour CCV Shop avec son logiciel. Ce qui n’aide pas non plus, c’est le fait que de nombreuses entreprises livrent uniquement à domicile. Le consommateur n’a souvent pas la possibilité d’aller chercher sa commande à un point de collecte. On constate tout de même un début d’amélioration sur ce point, ce qui est prometteur. »
Les consommateurs belges attachent-ils beaucoup d’importance aux avis et aux labels ?
« J’ai une amie qui commence toujours par lire les commentaires des personnes ayant déjà acheté le produit avant de décider si elle va l’acheter ou pas », raconte Anke. « De manière générale, les Belges font relativement confiance aux boutiques en ligne, tout comme les Néerlandais. Je pense que nos compatriotes accordent davantage d’importance aux labels qu’aux avis. Le label SafeShops, par exemple, est capital pour les acheteurs en ligne belges. Si vous décrochez ce label et l’affichez sur votre boutique en ligne, les consommateurs vous accorderont toute leur confiance. Même les grandes chaînes apposent le certificat SafeShops sur leur boutique en ligne. On voit donc à quel point cet aspect est important aux yeux du consommateur belge. En ce qui me concerne, j’accorde beaucoup de valeur aux avis. Je les consulte souvent avant de me décider à acheter. Je pense que cette approche va se répandre de plus en plus parmi les acheteurs belges. Mais je n’irais pas jusqu’à dire qu’ils baseront leur décision à 100 % sur ces évaluations. »
Pouvez-vous donner quelques informations sur des groupes spécifiques de Belges en ce qui concerne les achats en ligne ?
Anke : « Globalement, le nombre d’achats en ligne ne cesse d’augmenter chez les Belges. Ils acceptent de plus en plus d’opter pour cette manière de faire leurs achats. On remarque cependant que les jeunes achètent bien plus souvent en ligne et ne se rendent presque plus dans les magasins physiques. Autre élément qui contribue à l’augmentation des achats en ligne : le dimanche, les magasins belges ferment légalement leurs portes, ou sont en tout cas rarement ouverts. À cela s’ajoutent des heures de fermeture très serrées, puisque plus aucun magasin n’est ouvert à partir de 18h. Les consommateurs qui vont à l’école ou qui travaillent cherchent donc d’autres solutions et n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers le shopping en ligne. Un autre point à améliorer pour que les achats en ligne augmentent est la possibilité de livrer à des points de collecte. Je constate que de nombreuses boutiques en ligne optent pour des livraisons à domicile, sans offrir cette possibilité de collecte. À mes yeux, il s’agit là d’une grave erreur, car les gens sont rarement chez eux pendant la journée pour réceptionner le paquet. La Belgique compte suffisamment de points de collecte, mais les boutiques en ligne n’offrent tout simplement pas la possibilité d’y réceptionner des colis. Cette option devrait être plus souvent proposée. En Belgique, même les services postaux standard ne livrent pas le samedi. Cela prouve bien qu’un changement des options et délais de livraison n’est pas pour demain. C’est tout un processus, et on voit aujourd’hui que le pays rattrape son retard, puisque des colis sont de nouveau livrés le samedi. »
Où en sont la législation et la réglementation relatives aux achats en ligne en Belgique ?
« De nombreuses lois et réglementations sont similaires à celles des Pays-Bas, car elles ont été fixées au niveau européen », précise Anke. « Une différence notable avec les Pays-Bas est que les activités d’e-commerce qui ont lieu le soir ne sont pas d’usage en Belgique. Le droit du travail belge stipule en effet qu’une commande passée sur une boutique en ligne après 20h ne peut pas être traitée avant le lendemain matin. Il est donc très difficile de mettre en place des systèmes de livraison le jour même ou le lendemain. »
« Par ailleurs, en moyenne, les charges salariales dans le secteur de l’e-commerce sont 17 % plus élevées qu’aux Pays-Bas. Conséquence : environ 20 000 emplois liés à l’e-commerce ont disparu de Belgique pour aller chez des concurrents étrangers, qui ont pu reprendre facilement ces activités grâce à leurs charges salariales moindres et à leurs réglementations plus flexibles en matière de travail nocturne et en soirée. Diminuer les charges salariales offrirait donc une solution pour combler le retard des entreprises d’e-commerce belges. Entre-temps, la Belgique occupe une belle troisième place dans le top 10 des pays à la plus forte croissance dans le secteur de l’e-commerce, derrière l’Ukraine et la Turquie. J’espère que cela ne s’arrêtera pas là. »
Quel avenir pour l’e-commerce en Belgique ? Quelle est votre vision ?
Anke : « Comme je l’ai déjà expliqué, nous rattrapons notre retard. Les commerçants des PME réalisent l’intérêt de l’e-commerce, mais ils ont encore besoin d’être accompagnés. Ils recherchent des partenaires qui leur fourniront les principes de base et les outils pour monter leur projet de boutique en ligne. Cependant, rares sont ceux qui peuvent offrir de telles solutions d’e-commerce. Je connais plusieurs personnes qui ont osé lancer leur boutique en ligne et s’en sont très bien sorties. Je pense notamment à un magasin de spiritueux qui a commencé à proposer ses produits en ligne en plus de son magasin physique, ou encore à un magasin de tissus. À partir du moment où les gens réalisent le potentiel d’une niche dans laquelle ils sont actifs, ils osent franchir le pas vers la boutique en ligne, même sans passer par une firme spécialisée. Pour la population légèrement plus âgée qui opère dans le marché du détail, il est plus difficile de passer à l’omnicanal. C’est dommage, car c’est vraiment là que réside l’avenir. En tant que commerçant, si vous avez déjà entendu parler d’omnicanal, vous ne pouvez qu’admettre qu’il ne sera bientôt plus possible de proposer un magasin physique sans boutique en ligne. Je vous conseille dès lors de toujours utiliser une stratégie omnicanal et de ne pas vous concentrer sur un seul canal ou simplement du multicanal. En tant que commerçant, vous voulez satisfaire et conserver votre clientèle. Le client d’aujourd’hui, quant à lui, désire une combinaison d’offres en ligne et hors ligne. Afin d’appliquer le processus omnicanal le plus efficacement possible, il vous faut tout associer : caisse, boutique en ligne et terminal de paiement. Si vous voulez mon avis, le changement qui est à l’œuvre n’est pas près de s’arrêter, et de plus en plus de gens vont se rendre compte qu’ils doivent être présents aussi bien en ligne que hors ligne. »